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Suppression des ZFE : une décision politique aux lourdes conséquences

La semaine dernière, un vote inattendu à l’Assemblée nationale a conduit à la suppression des Zones à Faibles Émissions (ZFE), une mesure adoptée sous le précédent quinquennat dans la Loi d’Orientation des Mobilités, sous l’impulsion de Jean-Luc Fugit. Cette décision a été rendue possible par une alliance de circonstance entre La France Insoumise et le Rassemblement National. Un positionnement qui interroge tant sur le fond que sur la méthode.

Un embouteillage, ville sans ZFE

Depuis leur mise en place, les ZFE ont déjà fait l’objet d’ajustements, que ce soit par le Gouvernement, qui a assoupli certaines obligations pour les villes respectant régulièrement les seuils de pollution, ou par les maires eux-mêmes, qui ont adapté les règles aux réalités locales. Il est donc surprenant de voir cette mesure être purement et simplement supprimée, sans tenir compte des efforts de concertation et d’adaptation déjà engagés.


Il faut rappeler le sens premier des ZFE : réduire la pollution atmosphérique, et notamment les émissions de particules fines et d’oxydes d’azote. Il s’agit avant tout d’un enjeu sanitaire, et non d’un outil de lutte contre le réchauffement climatique. Revenir sur les ZFE, c’est donc accepter de continuer à exposer la population à des risques majeurs : en France, chaque année, 40 000 décès prématurés sont attribués à la pollution de l’air liée aux particules fines, et 7 000 aux oxydes d’azote.


Politiquement, cette suppression interroge. Comme l’a souligné Agnès Pannier-Runacher, il s’agit d’une mesure démagogique, qui cède à des arguments populistes sans prendre en compte la réalité du parc automobile ou les dynamiques en cours. Car aujourd’hui, 71% du parc automobile en France est déjà classé Crit’Air 2 ou mieux. Les véhicules les plus polluants représentent 29% du parc, et sont souvent détenus par des ménages multi-motorisés. Les populations les plus modestes, qui utilisent encore des véhicules anciens, ne doivent pas être laissées pour compte. Mais la solution n’est pas d’abandonner les ZFE : c’est de mieux accompagner ces ménages.


Les ZFE avaient le mérite de contraindre l’État à mettre en place des mesures d’accompagnement, comme les aides à l’acquisition de véhicules plus propres ou le dispositif de leasing social. Elles incitaient également à déployer des solutions de mobilité alternatives. Par ailleurs, cette suppression soulève une question financière : comment le gouvernement expliquera-t-il à l’Union européenne le non-respect des engagements pris, notamment concernant les 3 milliards d’euros d’aides européennes prévues pour soutenir la transition vers une mobilité plus propre ? À court terme, la France pourrait être contrainte de rembourser un milliard d’euros à l’Europe.


Plutôt que de supprimer les ZFE, il est urgent d’accompagner les citoyens dans cette transition. Cela passe par des mesures concrètes :

  • Structurer un système de leasing social durable et accessible, qui ne laisse pas les bénéficiaires sans solution après quelques années d’usage ;

  • Déployer massivement des Agences de la mobilité sur l’ensemble du territoire, à l’image des initiatives de Lyon ou Strasbourg, pour proposer un accompagnement individualisé à chaque personne, y compris aux habitants des zones périurbaines et rurales ;

  • Améliorer la pédagogie sur l’usage des transports en commun et des solutions de mobilité alternatives ;

  • Accélérer la mise en place des Services Express Régionaux Métropolitains (SERM), afin d’offrir des alternatives concrètes à la voiture individuelle, notamment pour les habitants des zones périurbaines et rurales.


Enfin, il est essentiel de rappeler que l’automobile reste, pour beaucoup, un outil d’émancipation et de liberté. Mais dans les grandes agglomérations, la voiture est devenue un poids : embouteillages, pollution, bruit... La transition vers des modes de transport plus durables est nécessaire, et elle doit être juste. Cela implique de prendre des décisions courageuses, d’expliquer ces choix et d’accompagner chacun dans le changement.


La suppression des ZFE ne résout aucun problème de fond. Elle en crée d’autres, et fragilise la cohérence des politiques publiques en matière de santé, d’environnement et de mobilité. Espérons que cette décision ne soit qu’un épisode passager, et que le bon sens et la responsabilité l’emportent à nouveau dans le débat public.

 
 
 

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