Mercredi soir se tenait la cérémonie de lancement des Jeux Paralympiques 2024. Une cérémonie grandiose, placée sous le signe de la "Révolution de l'inclusion". Commençant par un tableau nommé "la discorde", celle-ci finira finalement par la concorde, conclue par Born to be alive, magnifiquement interprété par Christine and the Queens.
La "Révolution de l'inclusion", qui sonne également comme une forme d'émancipation, repose avant tout sur la lutte contre l'assignation à résidence.
Rassurez-vous, je ne suis pas là pour vous décrire et commenter la cérémonie d'ouverture, Daphné Burki l'a déjà (trop) fait ! Alors pourquoi parler de celle-ci ? Tout simplement parce qu'il est inconcevable de ne pas imaginer cette inclusion sans y intégrer la composante transports. La "Révolution de l'inclusion", qui sonne également comme une forme d'émancipation, repose avant tout sur la lutte contre l'assignation à résidence. Car c'est bien là la première des exclusions, car Stephane Houdet, numéro 1 mondial de tennis fauteuil éprouvera toujours beaucoup plus de difficultés pour n'importe quel parcours par rapport à moi ! La mobilité des PMR est le socle indispensable de l'inclusion. Il est évident qu'une société où l'on ne regarde plus les différences physiques , qu'une école inclusive ou bien encore qu'un Monde du travail où cohabitent valides et invalides sont souhaitables et nécessaires, mais cela est-il possible si les personnes en situation de handicap ne peuvent pas s'y rendre sans freins à leurs déplacements ?
Nous sommes toutes et tous des Personnes à Mobilité Réduite en sursis
Au-delà de Stephane Houdet, qui se déplace en fauteuil, demandez à votre voisine de 85 ans s'il est facile pour elle de se rendre chez le médecin, demandez aussi au copain de votre fils qui s'est foulé la cheville au rugby s'il est facile d'aller au lycée, ou demandez encore à votre cousin, qui vient d'avoir son deuxième enfant, ce qu'il pense des trottoirs parisiens pour promener sa fille en poussette. Et oui, nous sommes toutes et tous des PMR en sursis, en cela que nous connaîtrons tous, un jour ou l'autre, une situation portant atteinte à notre mobilité, de façon plus ou moins durable. Et c'est pour cela que cette thématique doit devenir une grande cause nationale.
Certes, l'évolution technologie est louable, les fauteuils, les prothèses, bref tout ce qui peut accompagner le corps humain dans ses difficultés doivent être soutenus, mais tout cela n'est que complémentaire à des infrastructures adaptées aux PMR. Car quand on est dans ces situations, et même avec le meilleur équipement du monde, prendre la Ligne 8 reste au mieux un challenge, au pire un sacerdoce.
Qui doit agir ? La réponse est simple : tout le monde ! La loi du 11 février 2005 fixait les bases de l'accessibilité des établissements recevant du public. Dorénavant, cela devra être pris en compte. Puis suivirent les batiments collectifs, les maisons individuels puis récemment les batiments publics et les lieux de culte. Une belle avancée, mais comment se rend-on de l'un à l'autre. Comment, en situation de mobilité réduite, je vais m'acheter un croissant en sortant de chez coiffeur, tous deux accessibles, si le trottoir est encombré de déchets par exemple ?
Il est essentiel que les collectivités soient au coeur de ce combat, car c'est leur compétence, et leur espace public. L'Etat est au mieux financeur, voire législateur si le souhait d'imposer des normes prenait corps.
Toutes nos villes sont concernées
On pourrait penser que ce débat est parisien, lyonnais, marseillais, bref circonscrit aux grandes métropoles françaises. Il n'en est rien, toutes les communes connaissent des encombrements de déchets, des travaux, des escaliers peu pratiques voire dangereux... C'est pour cela que tout le monde doit prendre sa part. Faut-il obliger, à la manière de la loi de 2005 ? Je ne suis pas certain, et suis même souvent opposé à ces mesures coercitives. A cela je préfère l'accompagnement, surtout sur un sujet comme celui-ci, qui n'est pas clivant.
"La marche est le premier moyen de transport de tout le monde" Jean Claude Boulard, Maire du Mans
C'est avant tout ici une question de voirie en réalité, et d'informations. Rappelons qu'en France, près de 20 millions de nos concitoyens sont privés de transports en commun, et n'ont comme seuls moyens de transport que des transports personnels, à commencer par la marche. Car oui, et je paraphraserai ici le regretté Jean-Claude Boulard, Maire du Mans, la marche est le premier moyen de transport de tout le monde. La première des mesures, c'est donc une voirie accessible. Et malheureusement, imaginer 100% de voiries d'une commune accessibles est une utopie inconcevable. Les contraintes en terme de génie civil sont trop importantes, et soyons honnêtes, le cout est démentiel. Ce qu'il faut, c'est que les Personnes à Mobilité Réduite aient tout le temps de itinéraires de contournement connus, faciles et qui ne rallongent que peu le trajet, et que les collectivités aient l'information des problématiques que rencontrent ces personnes, qui parfois peuvent se régler facilement (exemple de la poubelle). La clé, c'est l'information, et là la technologie peut nous aider. Nous avons déjà des GPS voitures qui nous indiquent les accidents, les bouchons, et tout autre incident en temps réel. Démocratisons donc des GPS piétons qui fonctionnent de la même manière, en informant en même temps la collectivité. Car oui les solutions existent, je pense à la Start-up Streetco par exemple qui développe ce genre de technologies. Ce qu'il faut maintenant, c'est les déployer au plus grand nombre. La bonne nouvelle, c'est que le coût est relativement faible, c'est donc avant tout un choix politique et non résultant de contraintes budgétaires majeures. Messieurs les élus, engagez vous !
Pourquoi pas un label ville accessible ?
Alors que la coercition n'est pas, selon moi, une solution, pourquoi ne pas mettre en valeur les communes qui s'engagent ? En france, près de 5000 communes se battent pour avoir les "4 fleurs' du label Ville fleurie afin de se démarquer. Pourquoi pas un label ville accessible à plusieurs niveaux ?
Les avantages d'un tel label seraient multiples : mettre en valeur les communes qui s'engagent, les accompagner, leur donner des conseils, informer les personnes à mobilité réduite des communes à privilégier pour leurs congés ou leur quotidien... On écrit quand le cahier des charges ?
Le véhicule autonome, une solution ?
Le véhicule autonome apparait pour beaucoup comme un fantasme, voire une arlésienne dont on parle depuis des années sans voir d'applications massives. Cela n'est pas tout à fait vrai, les expériences outre-Atlantique nous montrent que la navette autonome peut être une solution. Plus proches de nous, les solutions portées par Beti apportent du service à une population qui en a bien besoin. C'est sur ce dernier point que je souhaite m'attarder. La navette autonome en ville, sur de "grandes" lignes ne présente pour seul interet que de parer à la pénurie de chauffeurs. Dans les centres urbains, la navette est probablement plus une solution pour combler des déficits en terme de dernier kilomètre, notamment pour des PMR, que sur de longues distances. Ces navettes circulent déjà, avec un chauffeur, et montrent leur interet. Je prendrais pour exemple la navette gratuite dans le centre ville du Mans. La Mancelle couvre en effet des trajets qui permettent de relier la cathédrale à la Place de la République. Accessible, elle est notamment privilégiée par les PMR de tous types (handicap, âge ...).
Et les autres ? Comme dit précédemment, les expérimentations menées par Beti sont par exemple un succès, et nous prouvent que c'est possible. La question de l'infrastructure et de la cartographie se pose toujours, mais est en partie résolue, et on peut imaginer que les évolutions technologiques à venir permettront de gagner tant en vitesse qu'en capacité de déploiement aisée là où les infrastructures manquent. Couplé à un MAAS performant qui permet d'en faire un transport à la demande efficient, ces technologies apporteront des solutions pour bon nombre d'habitants de ces territoires, sous réserve également d'une bonne communication et de pédagogie !
Paris, le bon mauvais élève
Paris fait figure d'exception. La capitale française a été construite à une époque où l'accessibilité des PMR était loin des préoccupations. Cela se voit sur la voirie. Sur ce point, même si tout est toujours améliorable, les services de la Mairie tentent d'améliorer les choses par le biais d'investissements massifs. La tâche reste colossale, et là aussi l'information est la clé, via les services de GPS piétons tels que StreetCo énumérés précédemment.
Là où le bas blesse, c'est sur le transport en commun. Je m'attarderai avant tout sur le métro et le réseau ferré global. Récemment, la Présidente de la Région Ile-de-France, a érigé en tant que priorité son accessibilité, estimant le coût à 20 Milliards. Ce montant ne semble en aucun cas exagéré, considérants que seules 14% des stations sont à ce jour accessibles. Soyons réalistes, notre réseau de métro est parmi les plus vieux du Monde, aussi la tâche est ardue. Au-delà du budget, se pose une question d'ingénierie, tant en termes de faisabilité technique que d'exploitation, considérant qu'il est inconcevable de fermer des stations voire des lignes sur plusieurs jours voire semaines, voire plus ...
Faire reposer la charge sur la puissance publique apparait relativement utopique.
Comment financer ces 20 Milliards ? Valérie Pécresse a demandé l'appui de l'Etat et des collectivités, notamment la ville de Paris. Pour rappel, les collectivités (région, départements, ville de Paris) versent déjà un peu plus d'1,3 Milliard par an à IDFM au titre de la contribution statutaire. Pour imaginer financer ces travaux, il faudrait trouver 1 Milliard par an sur 20 ans. Faire reposer la charge sur la puissance publique apparait relativement utopique. Alors comment faire ? Les recettes d'IDFM se composent en majorité de la part usagers (billetique), de la contribution statutaire et du Versement Mobilité. Si on part du principe que tout le monde doit prendre sa part et que l'accessibilité PMR devient une grande cause, il faudrait que chacun fasse des efforts. Un rapide calcul, dont la précision peut être remise en cause, prouve qu'avec quelques hausses cela est faisable :
hausse de 2% de la tarification voyageurs
hausse de 5% de la contribution statutaire
hausse de 1% du VM
Ces hausses de recettes financeraient, selon nos calculs, un peu plus de 15 milliards d'Euros. Il en manque 5 ! Pour les trouver, je vous renvoie à un article que j'avais rédigé il y a quelques mois. Il se vend environ 100000 logements par an dans la Région, même un peu plus dans les années dynamiques. On peut estimer un prix de vente moyen de 500000€, sans exagérer. En mettant en place une contribution de simplement 0,5% du prix de vente de ces biens, soit 2500€ sur un bien à 500000€ qui a bénéficié d'une plus-value grâce aux moyens de transport à disposition, on finance en 20 ans 5 milliards !
C'est la preuve qu'avec un peu de volonté, on peut y arriver sans efforts colossals de tout à chacun, pour le bien de la collectivité.
Pour conclure
En conclusion, la "Révolution de l'inclusion" ne peut se réaliser sans garantir une accessibilité universelle des transports pour tous, y compris les personnes à mobilité réduite. Si des progrès significatifs ont été accomplis depuis la loi de 2005, de nombreux défis restent à relever pour assurer une mobilité fluide et sans entrave dans nos villes et villages. La mise en place d'infrastructures adaptées, la diffusion d'informations via des technologies innovantes, et l'engagement collectif des citoyens et des élus sont autant d'étapes cruciales pour faire de l'inclusion une réalité quotidienne. Face à l'ampleur des besoins, il devient impératif d'adopter une approche coordonnée et proactive, en valorisant les initiatives locales par des labels d'accessibilité, en explorant de nouvelles solutions comme les véhicules autonomes, et en assurant un financement équitable de ces projets ambitieux. Seule une véritable mobilisation à tous les niveaux permettra de rendre nos espaces urbains et ruraux plus inclusifs et accessibles à tous, sans exception.
Comentarios