Hier, le Parlement Européen a voté pour faciliter le circulation transfrontalière des « Mega camions », les EMS, pouvant atteindre 25m et 60t. Depuis quelques semaines, on assiste à une déferlante de commentaires et points de vue, manquants parfois quelque peu de raison.
Tout d’abord, il convient d’être précis sur le vote d’hier. Le code de la route est par essence national, Bruxelles ne peut décider sur ce point. Aujourd’hui, la France accepte des camions 44 tonnes. Si demain la Belgique accepte des camions de 50t sur ces routes, ils ne pourront circuler en France qu’avec une limite de 44t. Et si l’Espagne accepte aussi des camions de 50t, ces camions ne pourront transiter par la France depuis la Belgique, car nous sommes limités à 44t. Donc la France garde la main. Le seul changement notable concerne le 44t. A partir du moment où deux pays frontaliers ont une règlementation équivalente, aucun des deux ne peut limiter l’accès à ses routes. Cela semble logique sur le fond, ce n’était pas le cas jusqu’à maintenant, et l’Etat français s’y opposait. Pour information, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Italie autorisent ces véhicules. La bonne nouvelle, c’est que nos transporteurs frontaliers pourront enfin livrer en Belgique avec leurs 44t, ce qu’ils ne pouvaient faire pour le moment.
Plutôt que de mettre un boulet au pied du transport routier, améliorons le fret ferroviaire !
La vraie crainte : le report modal
Le chiffon rouge agité ici et là vient principalement du ferroviaire, avec la crainte d’un impact sur le report modal, autrement dit un report modal inversé, du rail vers la route. Un cabinet allemand a estimé à 21% la part de ce report. J’émets quelques doutes sur ces chiffres, partant du principe que le choix du mode de transport vient de plusieurs critères :
la distance à parcourir
le poids
le volume
la flexibilité
le prix
C’est bel et bien en fonction de ces critères que le chargeur fait son choix. Et la réalité est assez simple : pour des transports massifs (supérieurs à 20t) et sur longue distance (supérieure à 500 kms), de type vrac par exemple, le ferroviaire gardera sa compétitivité. Et sur des produits manufacturés, il est probable que la route garde son avantage, qu’elle possède déjà. Autrement dit, ce qui passe par la route aujourd’hui continuera à passer par la route demain, et ce qui passe sur les rails continuera de passer sur les rails.
La priorité de la logistique est avant tout la performance, car un manque de compétitivité de notre chaîne logistique a un impact majeur sur notre économie, économie qui doit financer la transition écologique rappelons le. Ce n’est pas négociable. Mais la décarbonation de la logistique doit être une priorité. Et elle passe par le rail c’est évident. Mais plutôt que de mettre un boulet au pied du transport routier, améliorons le fret ferroviaire : Coût des péages; aides au transport combiné; disponibilité des sillons. C’est ainsi que nous attendrons nos objectifs de report modal, pas autrement.
Le Méga-Camion est plus intéressant en termes de volumes qu’en termes de poids
Un enjeu majeur : le volume
Les 44t en France sont en réalité assez rarement utilisés. En effet, en 2009 le CNT évaluait la part de transports par la route supérieurs à 25 tonnes à un peu plus de 10%. Ca veut dire que près de 90% des poids lourds circulent non pas à vide, mais chargé en volume mais non en poids. C’est une conséquence directe du suremballage, dont la lutte devrait être une cause politique majeure. Le Méga-Camion est donc finalement plus intéressant en termes de volumes qu’en termes de poids, et porter la longueur à 25m permettrait probablement de baisser le nombre de camions. Or, moins de camion, c’est moins de pollution, c’est également moins de difficultés à recruter dans un métier où il manque 1000 chauffeurs, bref, c’est souhaitable.
Expérimentons !!!
Bien sûr, loin de moi l’idée d’imaginer voir demain ces méga-camions dans nos villes, ni même sur nos périphériques et rocades. Néanmoins, imaginer une expérimentation conditionnant le 60t / 25m à l’usage de véhicules basses émissions (GNV, électrique, hydrogène) sur des axes prédéfinis, nos autoroutes, afin de relier deux entrepôts logistiques m’apparaitrait comme une innovation, avec un impact écologique non négligeable. Ne soyons pas sectaires, l’enjeu est trop important ! Et par ailleurs, pourquoi ne pas aller plus loin en combinant des expérimentations avec les autoroutes électriques, dont nous parlions beaucoup l’an dernier ? Là encore, imaginer un camion électrique sur une autoroute électrique (à catainer ou par le sol) ne me parait absolument pas saugrenu, et devrait mériter notre attention collectivement, au lieu de positionnements politiques.
C’est l’idée que j’avais porté en tant que Député, et j’y crois toujours autant. N’ayons pas peur d’avancer. A bon entendeur, je serais ravi de travailler sur ce sujet.
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