Hier, les citoyens parisiens ont été appelé aux urnes pour une deuxième votation citoyenne, après celle qui a vu les trottinette en libre service être refoulées de la capitale. Pour rappel, la mesure concerne le triplement du coût de stationnement non-résidentiel, et va donc toucher en priorité les franciliens plutôt que les parisiens eux-même. Tous les véhicules de plus de 1600 kgs à moteur thermique seront concernés, ainsi que les électriques de plus de 2t. Très concrètement, l’ensemble des véhicules électrique de taille moyenne seront touchés (Tesla Y, BMW IX1, Mercedes EQA mais aussi peugeot e-3008).
Il n’y a pas, dans le corps électoral, une volonté manifeste de s’opposer à la réforme du stationnement portée par la majorité municipale
Cette mesure a finalement été approuvée à 54,55% des 78000 votants, représentants 5,68% du corps électoral parisiens. 94,32% des parisiens ont donc fait le choix de ne pas se déplacer, soit une abstention plus forte que pour le vote sur la fin des trottinettes en libre service. En l’absence de données plus nourries, il est difficile de donner les causes de cette abstention. On peut simplement penser qu’il n’y a pas, dans le corps électoral, une volonté manifeste de s’opposer à la réforme du stationnement portée par la majorité municipale. Nous lirons ici ou là des difficultés pour voter, notamment dans le 16ème, je ne pense pas cependant que cela soit à même de remettre en cause les résultats. Disons le aussi très clairement, le fait que la mesure n’impacte par le stationnement résidentiel désintéresse aussi l’électorat parisien, à juste titre. Cela est d’ailleurs relativement curieux, considérant que 35% des stationnements sont utilisés par du résidentiel, soit à peu près autant que pour les visiteurs (source : Etats Généraux du Stationnement - Mars 2021)
Notons la réaction de la maire de Paris, Anne Hidalgo. Au-delà de se féliciter d’un « choix clair », elle a par ailleurs utilisé plusieurs arguments. En premier lieu, les questions de sécurité routière, expliquant que ces véhicules « posent des problèmes par leur poids et leur taille aux personnes les plus fragiles ». Si cela est scientifiquement vrai que l’inertie et la force de l’impact est directement proportionnelle par rapport au poids, c’est cependant oublier le rôle de la sécurité passive, qui s’est considérablement renforcée sur les véhicules modernes. Par ailleurs, il y a une question de « place dans les rues », qui est tout à fait entendable, les rues parisiennes n’ayant pas été conçues pour accueillir 1 voie de stationnement sur voirie de chaque côté, des SUV dans un sens et des vélos à sens inverse. La cohabitation devient diffiile, ce que la récente étude de T&E sur le poids et la taille des véhicules a mis en lumière par ailleurs. Le groupe écologistes a également utilisé ces arguments d’utilisation de l’espace public, lorsque les véhicules sont en condition de circulation.
L’automobiliste venant de Vitry sur Seine en SUV pour aller à Clichy pourra toujours circuler dans la capitale, mais devra payer plus cher pour s’y arrêter.
Loin de moi l’idée de juger cette mesure, il convient tout de même de rappeler que la mesure concerne le stationnement, et elle est justifiée par la circulation. Qu’on soit clair, l’automobiliste venant de Vitry sur Seine en SUV pour aller à Clichy pourra toujours circuler dans la capitale, mais devra payer plus cher pour s’y arrêter. Cela est dommage à double titre :
l’acceptation sociale d’une mesure comme celle-ci est facilitée par une justification claire et argumentée. Et il y a des choses à dire nous y reviendrons.
Le vote risque de renforcer un sentiment de défiance envers la population parisienne de la part des extérieurs.
Au-delà de la taille des véhicules, le problème c’est leur remplissage, un véhicule de 4,70m pour 1 personne prend beaucoup d’espace pour pas grand chose...
Le vrai changement issu de ce vote est un changement de paradigme majeur concernant le stationnement. On passe d’un système de redevance unique de stationnement à un système utilisateur-payeur en fonction d’autres critères. On comprend que le critère retenu a été le poids car la taille était extrêmement complexe. Et, fondatementalement, est-il illogique qu’un usager d’un SUV de près de 5m paie le même tarif de stationnement que celui d’une citadine de 2,70m ? Le maire de Londres a d’ailleurs annoncé qu’il regarderait de près la mise en place du dispositif à Paris.
Autre ville à expérimenter cela, Lyon. Dans la capitale des Gones, le maire a lui décidé d’augmenter le résidentiel. Ce qui est intéressant, c’est la mise en place de critères sociaux et familiaux, prenant en compte le fait que les familles nombreuses ont besoin d’un véhicule plus grand. Car c’est bien là le problème fondamental : au-delà de la taille des véhicules, le problème c’est leur remplissage, un véhicule de 4,70m pour 1 personne prend beaucoup d’espace pour pas grand chose finalement…
Pour conclure, j’ai le sentiment que ce vote est une occasion gâchée. Ce vote a été annoncé en Novembre 2023, et n’a pas fait l’objet de campagne. La communication était bel et bien présente, tout comme une campagne de la part de la majorité afin de valider la décision de la Maire de Paris, mais il n’y a eu aucun débat. Nous avons seulement assisté à une forme d’excitation des oppositions à la mesure ces derniers jours, mais c’était déjà trop tard, alors que nous aurions probablement pu assister à une vraie campagne qui aboutisse à une mesure qui va non seulement changer des tarifs de stationnements, mais qui pourrait aussi révolutionner l’usage de l’espace public à terme. J’espère que nous ne serons pas privés de ce débat.
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